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Découvrez l'histoire d'Echenay, petit village de Haute-Marne !

Ce blog retrace la petite et la grande histoire d'Echenay Haute-Marne sous forme de petits articles, au fil de mes recherches et découvertes généalogiques.

RENÉ MARANGER, "PRIVILÉGIÉ DU ROY EN ART VÉTÉRINAIRE", BREVETÉ DE L'ECOLE DE MAISONS ALFORT - ECHENAY 1748 / JOINVILLE 1816

Publié le 23 Janvier 2019 par Petite et Grande Histoire d'Echenay

Le cavalier anatomisé d'Honoré Fragonard - Musée Fragonard à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort

Le cavalier anatomisé d'Honoré Fragonard - Musée Fragonard à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort

Echenay, 1748  -  « René, fils légitime de Joseph Maranger et d’Anne Fournier est né le onzième octobre et a été baptisé le lendemain par moi curé soussigné (curé Voillot)» … Ses parents s’étaient unis le 30 octobre 1731 à Soulaincourt, village voisin.

Ainsi commence l’histoire de René Maranger (ou Marengé, suivant les actes) …

Si l’on ne sait rien de l’enfance de René, au moins peut-on penser qu’il fut un garçon intelligent, un élève appliqué, remarquable et remarqué. Aussi aura-t-il un destin bien différent de la plupart de ses petits camarades épincelois.

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RENÉ MARANGER, "PRIVILÉGIÉ DU ROY EN ART VÉTÉRINAIRE", BREVETÉ DE L'ECOLE DE MAISONS ALFORT - ECHENAY 1748 / JOINVILLE 1816

Portés par l'Esprit des Lumières, les élites sociales accordent dans la seconde moitié du XVIII siècle un intérêt grandissant aux questions scientifiques et économiques. Le courant physiocratique bouscule la « routine » et jette les fondements d'une démarche rationnelle concernant l'exploitation méthodique des ressources animales et végétales. En 1750, le naturaliste Buffon appelle de ses vœux la création d'une médecine animale délivrée de tout empirisme. Ces idées nouvelles sont portées par Turgot, Trudaine et Bertin, « ministre agronome », jusqu'au sommet de l'État soucieux de la conservation des espèces animales périodiquement frappées par des épidémies meurtrières. Il faut désormais user de thérapeutiques scientifiquement établies pour assurer la sauvegarde des troupeaux et des chevaux. La création des écoles vétérinaires trouve ainsi sa justification et Claude Bourgelat en est le maître d'œuvre. (Source : L'invention d'une profession : les vétérinaires au XIXe siècle - Ronald Hubscher – Persée)

Jusqu’à cette période, dans le monde animal, seuls les chevaux se voient porter de l’intérêt pour les services qu’ils rendent en matière militaire, de transport ou comme outils de travail. Les soins leur sont donnés par le « maréchal », profession réglementée regroupée en jurande, mais dont le savoir est bien empirique pour ce qui est des soins. Or, le XVIII siècle voit de nombreuses épizooties frapper indistinctement chevaux, bêtes à cornes, ovins ou même chiens, laissant la population dans de grandes détresses. Il est temps d’agir !...

Claude Bourgelat, qui naquit à Lyon le 27 mars 1712 et décéda à Paris le 3 janvier 1779, fut un écuyer et vétérinaire français du siècle des Lumières, ancien mousquetaire (1724/1729) puis écuyer du roi tenant (de 1740/1765) l’Académie d’équitation de Lyon alors fort renommée. Il fut le précurseur de l’institutionnalisation de l'enseignement vétérinaire, à travers la fondation des deux premières écoles vétérinaires du monde, qu'il impulsa à Lyon en 1761, puis à Maisons-Alfort en 1765. On peut également le regarder comme le fondateur de l’hippiatrique en France.

Par arrêt du Conseil du Roi en date du 4 août 1761, l'autorisation est donc donnée à Bourgelat d'ouvrir une école vétérinaire dans les faubourgs de Lyon « … où l’on enseignera publiquement les principes et la méthode de guérir les maladies des bestiaux, ce qui procurera insensiblement à l’agriculture du Royaume les moyens de pourvoir à la conservation du bétail dans les lieux où cette épidémie désole les campagnes… ».

Bourgelat sera porté par 3 idées-forces :

  • La différence entre la démarche empirique et le raisonnement scientifique,
  • La similitude entre la « machine humaine et la machine animale »,
  • L’opportunité de créer le métier de « médecin des animaux ».

 (Source : Wikipédia)

Même si la tension fut grande entre maréchaux-ferrants soucieux de préserver leurs prérogatives et le projet, un brevet de « Privilégié du Roy en l’art vétérinaire » est créé.

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RENÉ MARANGER, "PRIVILÉGIÉ DU ROY EN ART VÉTÉRINAIRE", BREVETÉ DE L'ECOLE DE MAISONS ALFORT - ECHENAY 1748 / JOINVILLE 1816

Et c’est à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort que l’on retrouve René Maranger vers 1770.

Sans doute remarqué pour ses capacités, son intelligence, son intérêt pour les animaux et le métier, pour sa persévérance aux études, mais vraisemblablement d’origine très modeste, il a obtenu une bourse grâce à une souscription faite par les seigneurs, chapitres, communautés religieuses et séculières, maitres de forges, etc… des environs de Joinville (52). Cette bourse sera gérée par l’intendant de Champagne, Gaspard-Louis Rouillé d’Orfeuil. Les bourses étant sous l’ancien régime le fruit d’initiatives privées, les fondateurs étaient en droit de définir les conditions d’attribution de la bourse qu’ils avaient créée. Ils souhaitèrent donc qu’en échange de cet avantage substantiel, René s’engage à s’établir à Joinville après l’obtention de son brevet. Il tiendra parole mais n’anticipons pas…

Que de chemin parcouru pour le jeune villageois depuis son village d’Echenay… Le voici aux portes de Paris, approchant personnalités et ministres venus visiter l’école, et dans la première école vétérinaire du monde tenue par Bourgelat !!  Ce dernier, pétri de valeurs morales et d’ambition pour son école, en publie le « Réglemens » en 1777, soit 2 ans avant sa mort, sorte de testament de son œuvre.

Il écrit *: « exigeant des élèves un ordre et une discipline sévères en ce qui concerne leur conduite et leurs mœurs, et d'autre part un régime et une méthode capables d'assurer leurs progrès dans les études qu'ils ont à faire (…) il a été arrêté ce qui suit ».

Dans l’organisation de l’Ecole, on distingue :

Le directeur général : Lui sont subordonnés l’inspecteur général, les inspecteurs, directeurs, professeurs, chefs, sous chefs, élèves ordinaires, régisseurs, concierges, domestiques, suisses et palefreniers.

Le corps enseignant : Il est composé de professeurs, chefs, sous chefs et il sera choisi parmi « ceux qui marqueront le plus de zèle, de soin et d'attention pour la discipline, le plus de talent pour l'enseignement, les mœurs les plus pures, la conduite la plus irréprochable, le caractère le plus doux et le plus liant ».

Les élèves : Ils devront avoir de 16 ans minimum à 30 ans maximum « vu le peu de flexibilité de leur compréhension après ce nombre d'années ». Ils devront savoir lire et écrire. Ils devront présenter des certificats de vie et mœurs en bonne et due forme. Ils doivent être internes, surveillés par les professeurs qui résident également à l'école. Etant ici « pour former d'habiles maréchaux, on ne peut accepter des gentilshommes qui exigeraient des professeurs des attentions qui nuiraient aux véritables élèves ». Les études étant gratuites, on exige un engagement formel de remboursement si les brevetés allaient s'établir dans une région autre que celle qui a fourni la bourse. Les élèves étrangers sont admis, mais doivent avoir le même niveau et subissent le même traitement. Les élèves militaires seront « encasernés ».

La conduite journalière dans les écoles : Tous les exercices de la journée se font au son de la cloche : lever, messe, travaux, repas, travaux, retraite dans les chambres.

Lever à 5 h ou 6 h en hiver. Déjeuner : 6 h 45 appel, messe et retour dans les différents services. Défense de paraître en pantoufles ou mal peignés sous peine de punition. Défense d'aller dans les chambres pendant les heures de travail. Pansements à 9 h ; à 11 h détente ou occupations utiles ; à 12 h réfectoire avec défense d'entrer dans les cuisines, fin du repas, retour dans les salles avec appel ; à 18 h pansements et nettoyage des salles ; 19 h souper ; 22 h coucher ; 22 h 15 extinction des feux. Défense de « chanter dans les chambres, d'avoir des chiens qui infecteraient nécessairement leur habitation ». Dimanche, fêtes, jeudi et Saint Eloi : jours de congé, sorties en uniforme et avec une permission imprimée ; « fréquenter les cabarets et hanter des lieux suspects est interdit sous peine d'arrêts, prisons puis expulsion pour ceux qui découcheraient ».

* Source : Le règlement de l'école vétérinaire d'Alfort en 1777 et ce qui a changé en 2004 par Maurice Durand Docteur vétérinaire, 161 bis, rue Salengro 37000 Tours

On le voit, avec Bourgelat, on ne rigole pas !...

Mais il avait aussi compris que pour tirer le meilleur de chaque élève, il fallait créer une saine émulation, les mettre en compétition mais également les placer régulièrement sur le devant de la scène, dans la salle dite « des concours », pour récompenser leurs efforts (façon également « d’asseoir » son école). Il multiplie donc les concours auxquels assite « le gratin » du royaume, Bertin en tête, secrétaire d’état et ami (ils s’étaient connus à Lyon et Bertin avait appuyé Bourgelat dans la création de ses écoles).

C’est donc lors d’un de ces concours dont le thème était « de la démonstration des muscles du cheval » que Marangé fut primé*… Sans doute en retira-t-il beaucoup de fierté. * Source : AD 51 – C457

Ses études arrivant à leurs termes, René devint enfin « Privilégié du Roy en l’art vétérinaire » et revint s’installer en Champagne comme il l’avait promis…

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RENÉ MARANGER, "PRIVILÉGIÉ DU ROY EN ART VÉTÉRINAIRE", BREVETÉ DE L'ECOLE DE MAISONS ALFORT - ECHENAY 1748 / JOINVILLE 1816

C’est dorénavant « sur le terrain » que René Marangé va exercer son art. On peut le suivre par petites touches…

En septembre 1775, une épizootie s’empare de la Champagne. Elle débute dans l’écurie de la veuve Clément à Laneuville à Bayard (52) où avaient séjourné des chevaux de relais venant des provinces méridionales. Son expansion est fulgurante. Le pouvoir demande à M. Grignon, correspondant des Académies des Sciences et Belles Lettres de Paris de se rendre sur place pour juger de la catastrophe et tenter d’y trouver remèdes. Il se fait donc accompagner localement dans ses tournées par les sieurs Maranger et Pertat (installé à St Dizier 52) et ils mettent « en usage les moyens indiqués par le gouvernement ». Le résumé qui est fait de leur tournée fait apparaitre des démarches scientifiques, avec analyses des faits, des symptômes, hypothèses de transmission, évaluation de différents remèdes et autopsies fréquentes de bêtes mortes afin de juger des organes attaqués par le mal.

Source : Exposé des moyens curatifs et préservatifs qui peuvent être employés contre les maladies pestilentielles des bêtes à cornes – par le Dt Vicq d’Azir – Paris 1776

Chacun y va alors de ses publications dans les gazettes scientifiques très à la mode pour diffuser ses observations, trouvailles et préconisations et sans doute un peu aussi pour se faire « un nom ». C’est dans l’une d’elles que l’on retrouve René en fâcheuse position dans une affaire entre hommes de sciences :

ARTS UTILES-

Le Mémoire concernant l'Epizootie, inséré dans notre Journal du premier Août, page 165, a donné lieu à une juste réclamation de la part de M. Brasdor, professeur Royal en Chirurgie, Artiste célèbre, qui unit au talent confirmé par le succès, l'amour de sa profession, & le zèle du citoyen. II publia, vers le commencement de cette année, des Conjectures les Maladies épizootiques qui ravagent nos Provinces méridionales ; elles portent sur un principe incontestable ; mais il eut l'attention d'avertir que l'application & les conséquences pourroient n'avoir rien de solide.  L'irritation méchanique exercée sur des surfaces sensibles, peut produire dans l'économie animale les plus grands désordres. Voilà le principe. Voici l'application. Dans la maladie contagieuse qui attaqua les chiens en 1763, M. Brasdor trouva des vers dans le nez de plusieurs de ces animaux. L'analogie qu'il a vue entre les symptômes de l'épizootie actuelle, & les symptômes qu'il avoit observés dans la maladie des chiens, lui a fait soupçonner qu'il pourroit aussi y avoir des vers dans le nez des bœufs mais, comme il n'a pas été à portée de vérifier ce soupçon, & qu'il étoit de la plus grande importance de découvrir la cause d'un fléau si funeste, il a publié ses Conjectures sans aucune espèce de prétention, & uniquement pour engager à faire des recherches relatives à son idée. « Ma spéculation, dit-il en finissant, n'est peut- être qu'un rêve ; mais c'est le rêve d'un citoyen : la grandeur du fléau, & l’inutilité de tout ce qui a été fait jusqu'ici, me serviront d’excuse. »

Quelque respectable que fût le motif de M. Brasdor, quelque précautions qu'il eût prises pour se mettre à couvert de toute espèce de critique, néanmoins, dans la Gazette de Santé, ses conjectures furent attaquées par M. Grignon, comme une vraie assertion étayée de preuves, affirmée et soutenue par des observations mal appliquées : M. G. traita la conjecture d'absurde, de présomption impardonnable, &  M. Brasdor a répondu avec beaucoup de phlegme & de douceur à ces critiques -peu modérées - dans le Journal de Médecine du mois d’Août dernier.

Mais, dans le temps qu'il se défendoit d'un côté, il étoit attaqué de l'autre par les Auteurs du Mémoire inséré dans notre Journal, & qui nous a été adressé par le Ministre. Persuadés que M. Brasdor avoit affirmé que la maladie épizootique étoit une maladie vermineuse ; séduits par l 'animosité d'autrui, ils se sont permis contre lui des expressions hasardées. M. Brasdor s'en est plaint à M. Bourgelat, qui en a écrit à MM. Maranger & Pertat, Elèves de l'Ecole Vétérinaire, Auteurs du Mémoire.

Ceux-ci n'ont pas plutôt apperçu leur erreur, qu'ils l'ont rétractée & M. Bourgelat, en renvoyant leur réponse s'exprime ainsi : « Vous verrez que ce que nous avions prévu est très juste, & que l'erreur des deux Elèves n'est due qu'à M. . . . Quoi qu'il en soit, vous me ferez plaisir de prier MM de Castilhon d'insérer dans leur Journal la Lettre de MM. Maranger & Pertat car il importe que la réparation soit publique. C'est ainsi que vous trouverez, dans les Elèves, comme dans le Maître, la preuve des sentiments qui vous sont dus, & qu'ils ont pour vous ».

 Lettre de MM. Maranger & Pertat à M. Brasdor

« Monsieur,

M. Bourgelat vient d'ajouter à toutes les obligations que nous lui avons, celle de nous éclairer sur une erreur que nous avons commise dans les réflexions jointes au détail que nous avons donné sur l'épizootie de la Neuville-à-Bayard. La publicité de notre Mémoire nous rend encore plus coupables envers vous : aussi nous empressons nous de réparer une faute que vous pardonnerez, sans doute, Monsieur, lorsque vous saurez que nous habitons des campagnes dans lesquelles nous sommes privés de tous les secours que nous retirerions de la lecture des bons Ouvrages, & où il semble que des écrits misérables, & des recettes monstrueuses parviennent jusques dans les chaumières  des paysans pour ajouter aux ravages des fléaux différents qui leur enlèvent leur bétail. Nous n'avions point lu, Monsieur, vos Conjectures sur la maladie épizootique qui règne dans les Provinces méridionales du Royaume, & nous n'en avons parlé que sur le rapport très infidèle qui nous a été fait par des personnes auxquelles nous n'avons malheureusement accordé que trop de confiance.

Voilà notre excuse, Monsieur, vous la trouverez, sans doute trop faible, parce que nous ne devions pas ignorer qu'il est bien dangereux d'en croire trop légèrement à la parole des hommes. Vous devez penser néanmoins que nous n'aurions eu garde de donner, comme une assertion positive de votre part, des idées que vous avez publiées à titre de conjectures, si votre Brochure nous avoit été connues & nous osons compter fur votre indulgence. Notre zèle nous fait espérer, Monsieur, que vous ne nous refuserez pas les témoignages que nous vous en demandons en nous encourageant dans les travaux pénibles auxquels nous nous sommes consacrés : elle nous apprendra à être plus prudents à l'avenir.

Nous sommes, avec toute la considération due à vos lumières, & avec tout le respect possible, Monsieur, Vos très humbles & très obéissants serviteurs, signé, tant pour Maranger que Pertat, Artistes Vétérinaires, Brevetés par S. M. pour la Province de Champagne.

Joinville le 23 Août 1776. »

Au-delà de cette querelle (où tout le monde d’ailleurs tente d’arrondir les angles des susceptibilités personnelles, voir plus loin), notons tout de même que suite à leurs interventions, la maladie fit ensuite « peu de progrès et [put] même être considérée comme entièrement détruite ».

Source : Journal des Sciences et des Beaux-arts – Tome 3 – 1 juillet 1777

Pierre Brasdor (naissance en 1721 d’une famille pauvre dans la province du Maine) fut un savant et un habile chirurgien, farouche partisan de l’inoculation et ayant travaillé sur le traitement de l’anévrisme. Il s’était également intéressé à l’art vétérinaire bien avant que cela fut dans l’air du temps.

Source : Bibliothèque Interuniversitaire de Santé - biusante.parisdescartes.fr

Brasdor était donc quelqu’un de reconnu et l’on comprend les précautions prises par Bourgelat, Marangé et Pertat.

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Mais les choses ne se passaient pas toujours aussi bien et les progrès de la science n’étaient pas toujours reçus par les paysans avec la considération qu’ils auraient mérités. Quelques années plus tard, René se déplace vers Chaumont :

« L’an mil sept cent quatre vingt un le onze du mois d’octobre nous soussigné René Marangé privilégié du Roi en L’art vétérinaire établie en résidence à Joncherie (Jonchery 52) certifions que nous ayant rendu à la paroisse de Laharmand et ayant rendu à l’étable de la Ve (veuve) nicolas Briot laboureur demeurant à Laharmand  et ayant sommé à son fils de nous montrer un bœuf qui avait été par nous reconnu malade depuis près de quinze jour, il nous aurait répondu que je pouvais m’aller me faire etc,  que j’étais un sacré etc, si qui m’ayant si fort courroucé je lui ait donné un coup de petite verge au travers le corps et s’ayant jandarmé de nouveau il m’a poussé la porte au nez en jurant et blasphémant et poussant mil imprécations dont je puis denommer pour témoins les  nommés Jean Malaires laboureur demeurant au faubg de l’eau de Chaumont et Jean Lagranche laboureur audit Laharmand ce dont nous avons dressé procès verbal à Laharmand ce jour et an que depuis ils ont déclaré ne savoir signé.

Marangé

Et en marge : Un des témoins nous a déclaré en présence du sindic qu’il avait oüie du dénommé cy dessus ses injures qui nous avait été faite et qu’il ne voulait pas signer attendu dit-il que il a des affaires avec eux ce dont le sindic a signé avec nous. » Source : AD52 – F444

Le bœuf a-t-il été sauvé et la maladie enrayée dans la paroisse ? Nous n’en saurons rien.

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RENÉ MARANGER, "PRIVILÉGIÉ DU ROY EN ART VÉTÉRINAIRE", BREVETÉ DE L'ECOLE DE MAISONS ALFORT - ECHENAY 1748 / JOINVILLE 1816

René parcourt donc la campagne environnante dans l’exercice de sa profession où il soigne indistinctement bêtes à cornes, chevaux et ovins. Il y rencontre souvent le succès. En 1782, il se rend au château de Rouvroy sur Marne :

Le sIeur Marangé, Artiste vétérinaire à Joinville, a mandé le 8 Octobre de la même année, qu'appelé au château de Rouvroy, pour y voir une jument tourmentée de tranchées violentes, il avoit employé sans succès tous les moyens que la circonstance sembloit indiquer ; qu'il s'étoit enfin déterminé à administrer l'huile empyreumatique , d'abord à la dose de deux onces & demie dans une infusion d'absynthe & trois heures après à la même dose ; la première ayant beaucoup soulagé le malade (1), tous les accidens cessèrent ; il rendit, deux jours après un paquet d'œslres renfermés dans une capsule membraneuse, de la grosseur & de la forme d'un œuf de poule. Il n'a donc depuis, aucun symptôme de ces tranchées, auxquelles il étoit très sujet

( 1 ) Quel qu'ait été l'effet de l'huile empyreumatique administrée à cette dose , elle est cependant beaucoup trop forte; il y auroit certainement du danger pour le plus grand nombre de chevaux, à la donner dans cette proportion.

On le retrouve aussi à Joinville :

Le troupeau de moutons des Religieuses du couvent de la Pitié de Joinville, étoit affecté d'une maladie vermineuse, dont le principal symptôme étoit le flux par les naseaux, d'une humeur épaisse, quelquefois teinté de sang. A l'ouverture de ceux qui périssoient, on trouvoit dans les sinus frontaux & les fosses nasàles des vers très gros & très-multipliés ; la membrane pituitaire épaisse, enflammée, corrodée ; les poumons criblés de crinons. L'huile empyreumatique étendue dans une infusion de sarriette, donnée en breuvage & injectée dans les fosses nasales, triompha en peu de jours de cette maladie, dont le traitement avoit été confié au sieur Marangé.

Source : Traité des maladies vermineuses dans les animaux, par M. Chabert – Paris 1787

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On croise René également à différentes époques dans quelques documents conservés aux Archives départementales de Haute-Marne où il est cité à titre personnel ou comme « expert » en matière vétérinaire mais que je n’ai pas encore eu le loisir de consulter.

Par exemple :

- Ordonnances de décharge et de réduction des impositions en faveur des officiers privilégiés de l'élection de Joinville : Maranger (René), vétérinaire à Joinville (1777). Cotes extrêmes C 301

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- Communautés d'Ecot, Epizon, Esnouveaux, Essey-les-Ponts et Euffigneix • 1694-1789 

Ordonnances de décharge et de réduction des impositions en faveur des trop imposés, pour changement de domicile, pertes de bestiaux et de récoltes par suite d'épidémies grêle et inondations (1694-1789) ; rapport dressé le 1er octobre 1789, par M. Marangé, vétérinaire à Joinville et correspondance entre le bureau intermédiaire de l'élection de Chaumont, les officiers municipaux de la communauté d'Epizon, MM. Rouillé d'Orfeuil, intendant, et Marangé, vétérinaire, au sujet de la visite des chevaux attaqués de morve dans la commune d'Epizon ; Cotes extrêmes C 243

 

Par ailleurs, il est également cité pour ses observations de maladies animales à plusieurs reprises dans le « Cours complet d'agriculture pratique, d'économie rurale et domestique, et de médecine vétérinaire » de l'abbé Rozier paru en 1809.

 

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RENÉ MARANGER, "PRIVILÉGIÉ DU ROY EN ART VÉTÉRINAIRE", BREVETÉ DE L'ECOLE DE MAISONS ALFORT - ECHENAY 1748 / JOINVILLE 1816

René Maranger s’éteindra le 25 octobre 1816 à Joinville, après environ 40 ans d'exercice et au terme d’une existence où la vocation avait surement une grande place. Mais celle-ci ne sera pas perdue et se transmettra à son fils Jean Baptiste César qui devint vétérinaire à son tour.

Leurs parcours d’études semblent avoir été assez similaires. « La Gazette Nationale ou le Moniteur Universel » du 12 mai 1808 nous apprend que le fils suit ses études à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, qu’il est en troisième année, élève aux frais du trésor public (donc boursier également), et que Son Excellence le Ministre de l’intérieur de Napoléon (Emmanuel Crétet) lui a remis solennellement le premier prix ! « Les Annales de l’Agriculture Française » (Tome 35 – 1808) complètent l’information en ajoutant qu’il a été « reconnu capable de se livrer à la pratique » et qu’il avait été nommé précédemment répétiteur adjoint en avril 1807 puis répétiteur (répétiteur = enseignant) en octobre de la même année.

Ses parents, René et son épouse Anne Voillot (parfois orthographié Voyot) en éprouvèrent-ils de la fierté ?... Nous ne le saurons pas !

Le fils épousera à Joinville Antonine Adéone Guibourt un peu plus d’un an après le décès de René et suivra donc la voie professionnelle  tracée par son père.

Du père « Privilégié du Roy en arts vétérinaires » au fils « Artiste Vétérinaire », nouvelle appellation du moment, il n’y a eu qu’un pas ou une foulée de cheval peut-être ?... 

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