Après avoir suivi Jacques Jean Marie Garola de Turin à Echenay lors du précédant épisode, je vais maintenant m’intéresser à un de ses fils, Jules Marie.
Par cet article, j'entame l'histoire de la famille GAROLA dont certains membres ont vécu à Echenay au XIX siècle, famille qui nous mènera de l'Italie à l'Argentine en passant par la France et ...
http://echenay.over-blog.com/2017/11/jacques-jean-marie-garola-de-turin-a-echenay-1788-1878.html
Pour découvrir l'épisode précédant
Jules Marie est né le 8 septembre 1823 à Joinville (52), fils de Jacques Jean Marie Garola et de Marguerite Olivier. Il a au moins 5 frères et sœurs comme nous avons pu le voir.
S’il n’est pas l’ainé, c’est pourtant lui qui succédera à son père comme agriculteur à Echenay (puis ailleurs comme on le verra) mais c’est surtout avec lui que s’ancrera cet amour pour l’agriculture de la famille Garola. Mais ne brulons pas les étapes…
Jules grandit à côté de son père comme le montre les recensements successifs d’Echenay. Il a vu celui-ci passer de la profession de boucher à celle de marchand de bestiaux puis de cultivateur. Alors, quand ses frères et sœurs quittent progressivement le foyer familial, lui reste à la ferme.
Il doit avoir entre 15 et 18 ans quand son père reprend la ferme du château d‘Echenay et il est certain que cet environnement lui plait beaucoup. La ferme du marquis de Pimodan est une grosse exploitation. Ce dernier, noble et père d’immigrés durant la révolution (mais resté en France durant la tourmente) a évidemment été spolié mais il a vaillamment défendu ses biens malgré un séjour en prison et, avec l’aide de son dévoué maître de forge nommé Harmand, il a réussi à préserver l’essentiel dont la ferme.
Si le domaine Pimodan (appelons-le comme ça) n’a plus sa superbe d’avant la Révolution, cela reste encore quand même un bel ensemble avec moulin à grains, forge, bois, bétails et prairies, champs et étangs.
Mais pour les Pimodan, famille noble d’extraction chevaleresque, ayant connu les honneurs de la cour sous la monarchie, la place est maintenant à Paris. Forge, moulin, ferme, tout est confié à des tiers et c’est dans cet environnement que Jules Garola va véritablement commencer sa vie professionnelle.
Mais avant cela, il voyage un peu comme le montre le recensement de 1846, aide sans doute son père à l’exploitation puis le 27 février et le 5 mars 1848, les bans du mariage entre Jules et Clara Athénaise Rémy sont publiés à la mairie d’Echenay.
Jules est domicilié à Neufchateau (88) et est dit sans profession. Sa future est domiciliée à Thonnance les Joinville (à une dizaine de kilomètres d’Echenay), sans profession également. Le jeune couple s’installe à la ferme d’Echenay et participe activement à son développement.
Et il y a du monde au travail !
- Jean Jacques Garola, propriétaire, 62 ans
- Jules Marie Garola, agriculteur, 27 ans
- Clara Athénaise Rémy, sa femme, 23 ans
- Pierre Georgeon, chef de culture, 49 ans
- Julie Berthe, employée, 17 ans
- Jules Jean Baptiste Mangeot, domestique, 26 ans
- Françoise Demandre, domestique, 30 ans
- Ignace Milloni, berger, 75 ans, non naturalisé, de Nationalité Italienne
- Paul Charle, domestique, 21 ans
- Antoine Buckmann, domestique, 19 ans
- François Damien Dieudonné, domestique, 10 ans
- Germin Duval, huillier, 46 ans
- Henry Hegner, domestique, 19 ans
Source : Recensement Echenay 1851 – AD 52
Ayant manifestement hérité de l’esprit « entreprenant » de son père, il n’aura de cesse de moderniser celle-ci en apportant moultes nouveautés, suivant de près le progrès agricole, participant aux concours, encourageant ses employés, etc… En voici quelques exemples concrets :
Au point de vue historique, il est permis de rappeler qu’avant 1855, il existait à Echenay une distillerie de betteraves, que M. Jules GAROLA avait annexée à l’importante ferme qu’il exploitait dans cette localité, distillerie qu’il transféra ensuite à Saint-Eloi, commune de Chatonrupt, lorsqu’il prit à bail cette propriété. Le poids des racines traitées par jour s’élevait à 2500 kilos. La distillerie de Saint-Eloi cessa vraisemblablement d’exister en 1874, au départ de M. GAROLA
Source : Site Chambre d’Agriculture de Haute Marne – Les Industries Agricoles – par M.P FOURRIER, Directeur des services agricoles de la Haute Marne - Extrait du chapitre IX
L’alcool produit a-t-il réchauffé les habitants du village dans leurs taches agricoles lors des froids hivers d’alors ?...
Monsieur Jules Garolla est « un jeune agriculteur progressif ». Il aime son métier, s’implique, tente et réussit souvent. Aussi le retrouve-t-on fréquemment dans les revues spécialisées de l’époque. Elevage, culture, il est partout et œuvre sur tous les fronts ! Il n’hésite pas non plus à s’associer pour accroitre son activité.
« Nous signalerons encore à votre attention, messieurs, un jeune cultivateur progressif, M. Garola, qui exploite, de concert avec M. Lallement, la ferme de Saint Antoine, commune de Bure (village voisin. NDR). Cette exploitation se compose de 147 hectares d’une culture extrêmement difficile, en raison de la quantité prodigieuse de pierres qui couvrent le sol. L’assolement à Saint Antoine est très productif et très fertilisant. Pourvue de tous les bons instruments de culture, possédant un nombreux bétail, parmi lequel un des meilleurs troupeaux mérinos du département ; cette exploitation fournie l’exemple d’une culture laborieuse et parfaitement entendue. Elle atteste aussi l’intelligence, l’activité et le parfait accord qui distingue ces deux agriculteurs qui exploitent avec beaucoup de succès la ferme de Saint Antoine » .
Source : Journal d’agriculture pratique 1857 - Concours régionaux de Bar le Duc 1857
En parfait entrepreneur/manager, M. Garola fait aussi participer son personnel :
Concours régional de Bar le Duc – 1857 - Récompenses aux serviteurs ruraux
Une somme de 50 francs et une médaille d’argent au sieur Milloni Ignace, employé chez M. Garola à Echenay (Que l’on a vu dans le recensement de 1851)
Source : Journal d’agriculture pratique, de jardinage et d’économie domestique - 1857
Naturellement, il participe aussi aux manifestations de sa région et n’hésite pas à se déplacer, parfois assez loin, pour montrer son savoir-faire. Ainsi quelques exemples car la liste serait trop longue :
Concours régional de Chaumont – 1858
Première division – Espèce bovine- Première classe – 1ere catégorie Race fémeline pure : Mâles – 1er prix, M. Garola à Echenay
Source : Journal d’agriculture pratique, de jardinage et d’économie domestique - 1858
Concours régional de Troyes 1860
162 animaux figuraient dans l’espèce bovine ( ). Tous les connaisseurs ont reconnu que cette partie du Concours était très remarquable, sinon par le nombre, du moins par la distinction des animaux. ( ) M. Garola qui avait été un des concurrents les plus sérieux pour la prime d’honneur de la Haute Marne, avait exposé sous le N° 7, un taureau fémelin né dans sa ferme d’Echenay, et qui a remporté le 2eme prix.
Source : Journal d’agriculture pratique, de jardinage et d’économie domestique - 1860
Il communique également sur ses résultats, preuve de son implication dans son métier et d’une gestion maitrisée :
M. J. Garola a publié le compte de dépenses suivant pour la culture de betteraves sur la ferme d’Echenay, près Joinville :
- Loyers et impôts 36 à 40 fr
- Labours et hersages 54 à 60 fr
- Engrais 105 à 125 fr
- Graine 4 à 5 fr
- Ensemencement 3 à 4 fr
- Sarclages et binages 75 à 80 fr
- Arachement, transport et mise en silo 36 à 50 fr
Ensemble ….. 313 à 364 fr
La moyenne entre ces deux chiffres est de 338,50 fr et il conviendrait d’ajouter à cette moyenne une somme égale à celle que M. de Dombasle attribue aux frais généraux, soit 60 fr, ce qui porterait les dépenses à 398,50 fr.
Source : Guide pratique du fabricant de sucre – Nouvelle édition - Par N. BASSET, auteur de plusieurs ouvrages d’agriculture et de chimie appliquée – 1er volume – Paris - 1872
Voici dressé en filigranne le portrait d’un agriculteur en avance sur son temps.
Au recensement de 1861, la famille de Jules Garola n’apparait plus. Joseph Goldschmit l’a remplacé mais c’est une autre histoire !
A la ferme de St Eloi sur la commune de Chatonrupt près de Joinville (52), il continuera sur la même lancée comme le montrent les recensements de 1861 et 1866.
Jules Marie Garola aura donc consacré l’essentiel de sa vie à la culture et à l’élevage.
Le couple voyagera également puisque Clara Athénaise décède à San Pedro Mansara (Espagne), entre Marbella et Gibraltar le 19 février 1878 (nous en découvrirons la raison dans l’article suivant).
C’est donc dans cet environnement champêtre d’Echenay que sont nés et ont grandi leurs enfants. Ils en auront à priori 3 dont 2 vivront :
- Lucien Eugène le 26 janvier 1850 (il décédera quelques jours plus tard, le 12 février 1850)
- Lucien Eugène (eh oui, encore !) le 8 mai 1851
- Charles Victor le 11 juin 1855
Nul doute qu’ils apprécièrent leur enfance à la ferme et Jules « soignera » leur éducation.
Au terme d’une vie bien remplie consacrée à l’agriculture, il décède à Tomblaine (Meurthe et Moselle) le 14 octobre 1881.
A suivre… Et préparez vos valises pour un voyage au delà des montagnes et des mers