Qui entre dans l’église d’Echenay un jour ensoleillé est frappé par la magnificence des vitraux. Ils resplendissent de couleurs, sont d’une netteté impressionnante et frappent l’imagination.
Mais si les apprécier est une chose, les décoder en est une autre ! J’ai donc fait appel à une spécialiste qui a bien voulu les faire parler pour moi.
Madame Laurence de Finance est conservateur général, directeur du Musée des Monuments français à la Cité de l'architecture et du patrimoine, 1, place du Trocadéro et du 11 novembre à Paris. Je la remercie chaleureusement d’avoir bien voulu consacrer un peu de son temps à l’étude de ces vitraux. Laissons-lui la parole.
Au plan formel, il s’agit de 7 verrières qui sont d’une grande homogénéité : baies à 2 lancettes (sauf Ste Geneviève) orné chacune de 2 personnages en pieds, debout sous une arcature feuillagée, placés devant un fond rouge ou bleu damassé au pochoir, à l’exception de la figure de sainte Geneviève placé devant un fond plus simple (restauré ?). Une inscription placée dans l’auréole des personnages permet de les identifier, sauf ceux de la baie d’axe (au-dessus de l’autel), qui ne sont pas nommés. Aucune signature, aucun chronogramme ne permet d’attribuer les verrières à un atelier ni de les dater précisément.
Au plan iconographique :à la baie d’Axe (= baie 0), à gauche, la Vierge nouvelle Eve ou Vierge rédemptrice, la Vierge est à la fois debout sur un croissant de lune (la Femme de l’Apocalypse) et domine le serpent de la Tentation condamné à ramper ; à droite ; le Christ bénissant tenant le Livre. ; dans le quadrilobe du tympan : la Trinitié ( Dieu le Père, le Christ et la colombe du Saint Esprit) dans un ciel lumineux).
On peut s’étonner que saint Martin, le saint tutélaire de la paroisse, ne soit pas présent dans cette baie mais dans une fenêtre latérale.
Cette baie est encadrée par les baies 1 et 2 dans lesquelles figurent les évangélistes placés chacun devant un fond bleu, reconnaissables à l’attribut en rapport avec la Vison des quatre Vivants de l’Apocalypse ; baie 1 : saint Marc accompagné d’un lion, saint Luc accompagné d’un taureau; au tympan, scène illisible sur la photo ; baie 2 : saint Jean accompagné de l’aigle, saint Mathieu accompagné d’un ange, au tympan : Adam et Eve chassés du paradis par l’ange de feu. Trois des évangélistes sont représentés écrivant les Evangiles, seul saint Jean tient le calice d’où s’échappe un petit basilic (=le démon). Ces 2 fenêtres forment une paire. Le décor des feuillages y est moins riche qu’à la baie d’axe.
Dans une autre baie: les saints Pierre et Paul (inscription latine pour chacun) tenant un livre, vêtus de la toge romaine, reconnaissables à leurs attributs respectifs : la clef pour Pierre et l’épée pour Paul. Au centre du quadrilobe, un cœur enflammé (à vérifier ).
Dans une autre baie : les saints Martin et Nicolas. La présence de saint Martin s’explique par la consécration de l’église sous ce vocable. Saint Nicolas est très fréquent dans les églises de Lorraine et celles des départements limitrophes. Au tympan : la Nativité. Cette verrière est un peu différente des autres : le motif du pochoir du fond, le soubassement et les feuillages des têtes de lancettes diffèrent de ceux des autres baies. Les auréoles ne surmontent pas les têtes des saints mais sont posées derrière la nuque, faute de place ?
Autre baie : Sacré Cœur, avec cœur enflammé dans le quadrilobe du tympan. La lancette gauche de cette baie est vide aujourd’hui mais comportait un autre personnage debout…peut-être saint Joseph auquel je crois un autel est dédié dans la paroisse ou saint Georges ( ?) représenté en peinture murale sur les voûtes du chœur.
Enfin dans une autre baie : sainte Geneviève. C’est l’inscription qui la désigne, car en fait c’est une sainte bergère, gardant ses moutons, la houlette à la main. L’encadrement feuillagé y tient beaucoup de place.
Au point de vue technique :réalisation très soignée.
- Emploi de verre doublé (plaqué) bleu notamment pour les auréoles ce qui permet d’y graver les inscriptions.
- Emploi d’émail sur verre pour les mitres des saints Martin et Nicolas et les gants de st Martin, pour les livres tenus par Martin, Geneviève, etc.
- attention portée à la lisibilité des personnages : les vergettes à hauteur du visage font le tour sous la tête des figures pour ne pas en gêner la lecture. C’est très visible sur la baie endommagée.
- les auréoles comportent un double filet de perles qui encadrent l’inscription.
Attribution et date
Ces verrières appartiennent à la seconde moitié du XIXe siècle, vers les années 1870/1880.
Il faudrait en comparer le style ou des détails techniques avec des verrières contemporaines des églises environnantes.
Certains détails comme les filets doubles des auréoles se retrouvent dans la production de Maréchal (grand atelier de Metz) mais la peinture des visages n’évoque pas les compositions connues de cet atelier. On peut également penser à l’atelier Champigneulle de Bar-le-Duc.
Bien que situées en Haute Marne, ces verrières me semblent devoir être rattachées davantage à la production lorraine qu’à celles des ateliers rémois de l’époque.
Il y aurait encore beaucoup à voir et à dire sur ces œuvres d’art dont parfois le décor intrigue… Comme moi, mes ancêtres ont dû regarder avec curiosité ces verrières qui les accompagnaient dans les grands événements de leur vie.
Mais j’arrête là ma visite et vous encourage à venir visiter par vous-même cette petite église, non sans remercier à nouveau Madame de Finance pour cette aide précieuse.
Sources :
- Madame Laurence de Finance, conservateur général, directeur du Musée des Monuments français à la Cité de l'architecture et du patrimoine – Paris – 2014
- Photos perso.