La poste est un service public auquel on ne prête plus guère attention. Internet, téléphone, etc. remplacent bien souvent la traditionnelle missive et il faut une interruption de la distribution du courrier pour que l’on se rende compte de son importance.
Pourtant, la Poste a été longtemps le lien unique et essentiel entre les hommes éloignés. Son efficacité s’est accrue aux cours des siècles pour en arriver à ce que nous connaissons aujourd’hui.
En 1754, en un temps où tout le monde ne sait pas écrire, Edme-Gilles Guyot, (1706-1786) estime nécessaire d’écrire un Dictionnaire des Postes et de préciser quelques règles de base.
La personne qui veut écrire à un correspondant Epincelois doit prendre certaines précautions pour s’assurer que son message arrive à bon port.
Il doit indiquer :
Le nom exact de son correspondant,
(et donner des précisions en cas d’homonymie)
Echenay
Province de Champagne
Chaumont en Bassigny.
Mais, laissons-lui la parole. On découvrira, outre certaines précisions connues de tous aujourd’hui, que certains services étaient déjà offerts, comme la poste restante, l’envoi d’objets de valeur ou les transferts d’argent.
Les Postes dont on attribue le plus communément l'Invention aux Perses, d'où elles ont passé chez les Romains, n'ont point été portées par ces peuples au degré de perfection où elles sont aujourd'hui en France: l'Epoque de leur établissement est de la fin du quatorzième siècle, sous le Règne de Louis XI. Avant ce temps l'Université qui avoit ses Messagers, se chargoit elle-même des Lettres, c'étoit alors un service très-lent, on ne pouvoit écrire que très-rarement, & l'on attendoit long-tems les réponses, les voyages étoient bien moins frequents, le transport des Marchandises plus difficile & plus coûteux.
Le Commerce doit à l'établissement des Postes, l'état brillant où il se trouve aujourd'hui ; un négociant peut actuellement de son Cabinet être en corespondance avec toute l'Europe. Les Sujets de l'Etat y ont trouvé le moyen d'entretenir plus parfaitement entr'eux l'union & l'amitié, & l'Etat un revenu peu considérable à la vérité, à cause des frais immenses que le service tel qu'il est établi occasionne ; mais qui bien loin d'être à charge à ses Sujets, rend le Royaume plus florissant.
Ce fut sous la fin du règne de Louis XIV que les Postes furent établies sur le même plan où elles sont aujourd'hui. Depuis ce tems on a perfectionné de jour en jour cet établissement par différens réglemens qui ont toujours eu pour but, la célérité, l'ordre & la sureté; cette circulation continuelle n'est jamais interrompue, même dans les plus mauvais tems, & subsistera autant que l'Etat.
C'est dans la vue de mettre (s'il est possible) le Public en état de profiter plus avantageusement de cet établissement que l'on a composé le Dictionnaire qu'on lui présente aujourd'hui, au moyen duquel chacun pourra en mettant à ses Lettres des adresses correctes, le guider avec sureté à leurs véritables destinations.
Il est très-essentiel que la suscription d'une Lettre soit exacte & correcte, pour qu'elle puisse passer directement à son adresse; plusieurs personnes sont dans l'usage de rejetter sur les Commis des Postes, le défaut de remises des Lettres à leur destination, quoique ce défaut vienne presque toujours du vice de l'adresse qui est fausse, la quantité immense des Lettres en rebuts, mal adressées, en est une preuve convaincante.
Pour remédier à cet inconvénient, il fut réglé en 1749 que, toutes les Lettres qui ne pourroient parvenir à leur destination, seroient renvoyées au bout de trois mois dans les Villes d'où elles étoient parties, afin que ceux qui les auroient écrites, n'en recevant pas de nouvelles, fussent à portée de réclamer celles qu'ils avoient intérêt de retirer, ou de leur donner de meilleures adresses. Cet arrangement a remédié à la vérité à la perte de de beaucoup Lettres ; mais il restoit à indiquer au Public le moyen de les bien adresser; c'est dans cette vue que l'on a composé ce Dictionnaire, au moyen duquel il n'est pas d'endroit dans le Royaume où l'on ne puisse adresser ces Lettres avec exactitude. ( )
L'on doit avoir aussi beaucoup d'attention à désigner, ( sur-tout lorsqu'on écrit dans une ville un peu considérable ) la demeure & la qualité des personnes, pour éviter que les Lettres ne soient remises à des personnes du même nom, qui souvent les ouvrent par méprises, ignorant qu'elles ne font pas pour elles.
Ceux qui voyagent se font souvent adresser leurs Lettres à la Poste restante, ou dans les endroits où ils doivent loger & séjourner, s'ils désirent que celles qui peuvent leur être écrites leur parviennent après qu'ils font partis desdits endroits, ils doivent laisser aux Directeurs des Postes dans les Villes où ils ont séjournés, l'adresse des villes où ils vont, avec cette précaution les Lettres les suivront dans leur route; mais l'exactitude de la Poste à cet égard ne dépend que de la leur.
Quoique l'on ait indiqué le plus exactement qu'il a été possible de le faire, les villes où les Lettres doivent être adressées pour tous les endroits où il n'y a pas de Bureau de Poste, on n'a pas prétendu pour cela assujettir les particuliers à les y adresser, lorsqu'ils auront une connoissance particulière de ceux où il est convenable de les adresser, d'autant plus qu'une lettre peut être adressée pour le même endroit dans differens Bureaux eu égard à sa position, & aux endroits d'où partent des Lettres au lieu qu'on s'est contenté d'indiquer ici celui qui a paru le plus usité & le plus convenable.
L'on n'a point fait mention des Hameaux, Censes & autres petits endroits du Royaume ; ceux qui voudront y écrire le pouront faire facilement, en cherchant la Paroisse la plus voisine, qui leur servira de guide. ( )
Ceux qui écrivent aux Curés des Paroisses, pour avoir des Extraits de Morts ou de Baptême; aux Directeurs des Hôpitaux & Majors des Régimens pour avoir nouvelles des Soldats ou autres, aux personnes publiques, doivent affranchir leurs lettres, attendu qu'elles sont presque toujours refusées faute d'être affranchies.
L'on reçoit dans toutes les Villes de France, l'argent des particuliers pour être remis dans toutes les autres Villes de France seulement & non pour l'Etranger ; moyennant un sol par livre, conformément à la Déclaration du Roi du 8 Octobre 1703.
Par la même déclaration, il est défendu de mettre de l'argent dans les lettres : Les lettres ou paquets qui contiennent des effets précieux, doivent être remis à la main des Directeurs des Postes qui en chargent alors leur avis, conformément à la même déclaration
Source : DICTIONNAIRE DES POSTES - à PARIS – Chez la Veuve DELATOUR, Imprimeur de la Cour des Aydes , & de la Ferme Générale des Postes, rue de la Harpe, aux trois Rois – 1754 - Avec Approbation et Privilege du Roy - Dédié à Monseigneur LE COMTE D'ARGENSON, Grand-Maistre et Surintendant General des Postes et Relais de FRANCE - Par M. GUYOT, Employé dans les Postes à Paris.
Le facteur rural semble apparaitre à Echenay après la guerre de 1870. La première mention est faite au recensement de 1876 (le précédent recensement date de 1866).
Le premier à avoir endossé l’habit de facteur rural est Germain LANNES (recensement de 1876 puis 1881).
Il est remplacé par Henri ROUGE (recensement de 1886) qui inspirera un poème à Gabriel de Pimodan, "Sourire d'une Minute".
Puis par Eusebe AUBERTIN (recensement de 1891).
Suivra ensuite Camille WITTMER qui gardera le poste plus longtemps puisqu’il est cité aux recensements de 1896 – 1901 – 1906. Là s’arrêtent les recensements disponibles.
La vie de facteur rural est loin d’être une sinécure. Travaillant 7 jours sur 7, par tous les temps, le travail est harassant et loin d’être bien payé.
C’est le régime vacillant de Charles X qui met en place le service rural. La loi des 3 et 10 juin 1829 prévoit de lancer sur les chemins une armée d’agents afin d’opérer la collecte et la distribution du courrier dans toute la France auprès de tous les Français. Cette fonction n’est pas entièrement nouvelle. Cette réforme s’appuie sur l’organisation des messagers-piétons qui existait depuis le Directoire ( ).
C’est à partir des effectifs des messagers-piétons que sont pensés ceux des facteurs ruraux, du moins au début. Prévus à 4 700 unités dans le projet de loi de 1828, estimés à 5 000 dès la mise en place du service rural, les facteurs ruraux atteignent 7 900 hommes dès 1836. La croissance des effectifs est extrêmement rapide par la suite, donnant à l’ensemble l’allure d’une petite armée, dont les effectifs avoisinent, par exemple, ceux de la gendarmerie.
De 9 000 hommes en 1849, on atteint 23 229 unités (facteurs ruraux et locaux confondus) à la veille de la Première Guerre mondiale. ( )
Il n’est pas exagéré de dire que le facteur rural passe son temps à marcher. La loi de 1829 avait déterminé que la tournée s’effectuerait un jour sur deux, ce qui n’empêchait pas les facteurs de travailler tous les jours en changeant de circuit. La tournée devient quotidienne en 1832 mais le caractère effectif de cette décision n’est avéré partout en France qu’en 1864. Quoi qu’il en soit, le facteur sillonne les chemins du lundi au dimanche inclus, puisqu’il faut attendre l’après-Première Guerre mondiale pour que les premières interruptions du service postal le dimanche soient tentées.
Si le facteur doit manquer à l’appel matinal, c’est sur son propre salaire que l’administration affecte un remplaçant à sa tâche. En 1895, cette même administration lui accorde, de façon parcimonieuse, douze jours de repos par an aux frais du Trésor.
Longtemps marcheur à pied, il n’obtient qu’en 1881 une indemnité de chaussures fixée à 50 F qui apparaît bien maigre au regard du kilométrage à parcourir à pied. En 1865, 2 684 tournées dépassaient les 28 km; en 1887, il y en avait 9 789.
Tous les responsables reconnaissent volontiers que la barre des 32 km, pourtant fréquemment dépassée, constituait un « véritable surmenage pour le facteur », seuil qu’il ne fallait plus déborder.
La métaphore animale est souvent utilisée par la presse professionnelle des intéressés pour dénoncer cette situation. Elle tente ainsi de provoquer l’empathie sur ce que le facteur endure :
« Aller de commune en commune, d’écarts en écarts; profiter d’une maigre pitance, subir une lourde fatigue [...]. Mieux vaut le coin du feu quand il gèle, la grange quand il pleut et le seuil de la porte quand le soleil est bon. Courir, toujours courir; s’arrêter, le nez en l’air, pour voir si le maître prend tel sentier; être mal reçu par le chien du riche; recevoir des bourrades de la part des villageois; être crotté jusqu’aux oreilles et rentrer au logis fort tard pour se lever le lendemain avant le soleil; tel était le sort que même le chien n’envierait pas ! Les distances que le facteur accomplissait durant vingt-cinq années, soit un trajet quotidien de 30 à 40 km, le cheval ne le supporterait pas non plus ! Sa vie moyenne n’étant pas aussi longue, en six ans l’animal serait fourbu. Le cheval a besoin de repos et d’une nourriture substantielle, alors que le facteur ne se repose jamais. » ( )
Jusqu’à ce que le salaire fixe ne supplante progressivement le salaire kilométrique à partir des années 1890 dans la base du traitement du facteur rural celui-ci n’a pas d’autre choix que celui de beaucoup marcher pour gagner sa vie au mieux. C’est donc à la longueur de sa tournée qu’il doit le montant de son salaire, qui dans son ensemble n’apparaît pas très élevé, si on s’en tient à la stricte comparaison des gains quotidiens des facteurs ruraux avec ceux d’autres professions. Sur le plan national, Stephen Liégeard, député de la Moselle, fait remarquer à la tribune en 1868 que le facteur rural est moins bien payé avec ses 1,52 F quotidiens qu’un terrassier ou un employé d’usine qualifié : le premier émarge en effet à 2 F par jour, et le second à 5 F. À la suite de son plaidoyer en faveur d’une revalorisation de leurs émoluments, le Corps Législatif vote l’amendement accordant une augmentation de 120 F par an du salaire des facteurs. ( )
Source : Sébastien Richez « Le facteur rural des postes en France avant 1914 : un nouveau médiateur au travail », Le Mouvement Social 1/2007 (no 218), p. 29-44.
Ayons donc une petite pensée pour ces marcheurs infatigables, ces hommes qui reliaient les hommes !