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Découvrez l'histoire d'Echenay, petit village de Haute-Marne !

Ce blog retrace la petite et la grande histoire d'Echenay Haute-Marne sous forme de petits articles, au fil de mes recherches et découvertes généalogiques.

ANTOINE OU CUNY ?... - ECHENAY 1832

Publié le 1 Décembre 2015 par Petite et Grande Histoire d'Echenay in Ceux d'Echenay...

Nicolas est né le 10 septembre 1771 à Saulxures les Bulgneville (Vosges 88). Il aurait pu être manouvrier ou laboureur comme son père mais la grande histoire en décida autrement.

Quand on a vingt ans en 1791, qu’on dispose de la vigueur de la jeunesse, que les esprits bouillonnent autour de vous, il n’est pas possible de suivre la trace de ses ancêtres !

Et puis, la Nation est en danger…

Alors, Nicolas CUNY s’engage dans le 1er bataillon des Vosges qu’il incorpore le 10 aout 1791.

Dès lors commence une vie de militaire longue de 24 ans 3 mois et 4 jours qui l’amènera à traverser la France de long en large, mais aussi l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, la Russie, la Saxe, pour une carrière qui prendra fin sur un coup de canon à Arcis sur Aube le 21 mars 1814.

Mais revenons un peu en arrière…

Le 20 décembre 1792, quittant le 1er bataillon des Vosges, il intègre le 2e régiment de cavalerie. Il y fera toutes les campagnes jusqu’au 9 germinal An IX (30 mars 1801), date à laquelle il devient Grenadier à Cheval de la Garde. Sans doute n’est-il pas insensible au Premier Consul, son aîné de 2 ans. Et puis l’uniforme est beau…

Les Grenadiers à cheval de la Garde à Eylau. Huile sur toile d'Édouard Detaille, 1893, collection du musée Condé de Chantilly.

Les Grenadiers à cheval de la Garde à Eylau. Huile sur toile d'Édouard Detaille, 1893, collection du musée Condé de Chantilly.

L’Europe devient son terrain de jeu. Enfin, façon de parler… Déjà le 14 juin 1800, un Autrichien belliqueux lui assène un coup de sabre sur la tête. Mais les Vosgiens ont la tête dure !

Même les cosaques et les glaces de Russie n’auront pas raison de Nicolas. La Bérézina est plus large que le ruisseau de Conge qui baigne Saulxures mais elle ne l’empêchera pas de rentrer en France…

Du courage, il en a ! Les batailles, les bivouacs précaires, les longues marches, il connait ! Mais il encaisse ! L’armée, c’est sa vie, presque sa famille, bien qu’il soit marié avec Jeanne Rémy, native de Lezéville et qu’il ait un fils…

En 1813, Napoléon le remarque et lui donne la Légion d’Honneur.

ANTOINE OU CUNY ?... - ECHENAY 1832

Il lui faut alors remplir quelques formalités dont la présentation d’un acte de naissance.

Mais Cuny est-il son vrai patronyme ?

C’est là encore une des choses curieuses qui émaillent sa vie. Lui qui s’est toujours fait appeler Cuny, qui s’est engagé sous ce nom, découvre que son vrai nom est Antoine. Pourtant, tout Saulxures nommait son père Cuny et lui aussi, il l’affirme … Il s’avère en fait qu’il s’agissait d’un sobriquet ! Il faudra un acte de notoriété dressé par Monsieur Bernard, maire de Saulxures, pour confirmer que son vrai patronyme est Antoine et non Cuny.

Et puis son extrait de naissance remis à la Chancellerie indique faussement qu’il est né le 10 décembre 1769.

Peu importe, Antoine ou Cuny, 1769 ou 1771, l’important est de servir le « Petit Caporal » !...

L’Espagne, l’Allemagne, la Russie défilent sous les pas de son cheval durant plus de 10 ans. Sorte d’immortel…

Le 21 mars 1814, Nicolas est à Arcis sur Aube, fidèle, au côté de Napoléon qui livre bataille aux armées coalisées. Il ne le sait pas encore mais ce sera sa dernière campagne. Blessé d’un coup de canon, sa carrière de militaire se termine. Mais sabre ou canon, rien n’arrête Nicolas Cuny / Antoine !...

En novembre 1815, il est à Tours où les visites médicales se succèdent. Un premier examen révèle des rhumatismes, une faiblesse respiratoire et une aphonie régulière. Le chirurgien qui l’examine conclut qu’il est « entièrement usé par les fatigues de la guerre ». Un autre examen passé sous le contrôle du Comte Dumas de Polard confirme la chose. On le déclare bon pour la retraite.

On lui remet 21 francs 75 dus au titre du 2e semestre 1813 et 9 francs 42 pour le 1er semestre de 1814.

Peut-être est-ce après cette convalescence, sur la route du retour vers Saulxures les Bulgneville, qu’il fait halte à Echenay. Il est possible également, sa première épouse étant de Lezéville, qu’il ait décidé de revenir dans ce petit coin de Haute-Marne. C’est à Echenay qu’il rencontre Marguerite Collas. Elle n’est plus une « jeunette » (elle a 40 ans) mais le Grenadier à cheval n’est plus très fringuant non plus, on l’a vu ! De plus il est maintenant veuf de sa précédente épouse, décédée le 14 décembre 1815 à Paris IXe, et donc libre.

Le 12 juin 1816, il épouse Marguerite. Elle est cabaretière à Echenay. Il est loin du vacarme des champs de batailles mais il y a quand même un peu d’animation de temps en temps, quand les villageois viennent boire un coup ! Néanmoins, la vie est dure !

Le 5 novembre 1818, il fait écrire au Grand Chancelier de la Légion d’Honneur par le maire d’Echenay, lettre contresignée par le Comte de Pimodan (pourtant certainement fervent royaliste), pour expliquer qu’il « est hors d’état de service militaire et en même temps, hors d’état de travailler [ ], qu’il ne jouit que de la bienfaisance de Sa Majesté Louis XVIII qui lui accorde une pension de 115 francs par an ce qui ne peux suffire à sa subsistance et à celle d’un enfant de 10 ans » (certainement son fils issu du premier mariage).

A-t-il était entendu ? Peut-être puisque la lettre figure dans son dossier. Mais comment accepte-t-il le fait que ses subsides lui soient octroyés par la Royauté alors qu’il a dédié sa vie d’homme à Bonaparte ? Sans compter le renversement populaire des gens, nombreux, déçus par l’Empire ! Dès 1815, des voix s’élèvent pour condamner l’épopée Napoléonienne.

Voici un exemple extrait de ce qu’on peut lire dans un livre de l’époque. La scène se passe dans un café du sud Haut-Marnais et l’auteur, qui préfère rester anonyme (on est jamais trop prudent !), « roule » pour le Roi :

Jérôme : C'est aujourd'hui Dimanche, j'ai la cocarde blanche à mon chapeau, pourquoi ne la portes-tu pas au tien?

Anselme : Je compte, d'après tout ce que j'entends dire, qu'il faut encore attendre.

Jérôme : Qu'y a-t-il à attendre? Est-ce que nous n'avons pas notre bon Roi, est-ce que la paix n'est pas faite, est-ce que nos enfans ne sont pas revenus, est-ce que cette cocarde n'est pas celle que nous avons portée dans notre jeunesse ? [ ].

Anselme : J'en conviens ; mais depuis que Bonaparte est venu en France, qu'il a fait de si grandes choses avec la cocarde aux trois couleurs, depuis qu'on dit qu'il est prêt encore à revenir pour reprendre son trône, vois-tu, Voisin, on ne sait que faire.

Jérôme : Est-ce que tu donnes dans tout ce qu'on dit? [ ] Quand il étoit à Moscou avec 500 mille Français [ ], il a tout perdu et s'en est revenu seul: dix mois après, il étoit avec 400 mille hommes au cœur de la Saxe, il a encore tout perdu et a regagné seul Paris pour redemander des hommes et de l'argent. On lui en a donné tant qu'il en a voulu et cela n'a pas empêché que la France n'ait été envahie et que nous n'ayons été maltraités par des nuées de soldats étrangers. Il est revenu au mois de Mars de son Ile, on a eu la bêtise de croire que c'étoit pour notre bien, on lui a redonné hommes et argent ; Qu'en a-t-il fait? Dans une seule bataille, il a encore tout perdu, il a abandonné de nouveau son armée et a voulu se sauver avec les trésors de la France ; mais il a été pris par les Anglais et conduit dans une Ile qui est si loin de nous qu'il n'en reviendra plus, je t'en réponds.

Anselme : Cependant il a encore bien des gens pour lui, et il faut croire que son retour n'est pas impossible.

Jérôme : Mais qu'a-t-il donc tant pour lui? Ou des imbécilles qui raisonnent de ce qu'ils ne connoissent pas, ou des forcenés qui ne se plaisent qu'au désordre, ou des nouveaux enrichis qui n'en ont jamais assez et qui enragent de ne plus voler la nation. [ ]

Anselme : Néanmoins, on tient que Bonaparte est un grand homme et que s'il n'avoit pas été trahi, il auroit chassé l'ennemi et nous auroit fait plus de bien que nous n'avons essuyé de mal.

Jérôme : C'est là un conte, mon cher Anselme, auquel il n'est plus possible de croire, après tout ce que nous avons éprouvé. Bonaparte a régné dix ans ; il avoit bien assez de temps pour nous faire du bien, s'il en avoit été capable; Eh bien qu'a-t-il fait? La guerre aux hommes, à la religion, à nos bourses.

Anselme : Comment se fait-il néanmoins que tant de Gens le regrettent ?

Jérôme : Ceux qui le regrettent ont des motifs différens, mais ce n'est pas pour le bonheur de la France. [ ]

Anselme : Mais il y a aussi des militaires, bien de braves soldats qui regrettent son règne.

Jérôme : Ce sont des insensés qu'un faux amour de la gloire, l'esprit d'indiscipline, l'appât du butin et de l'avancement militaire enivrent encore et aveuglent; mais ils ne tarderont pas à reconnoître leur erreur.

Source : « CONVERSATION POLITIQUE ENTRE DEUX PAYSANS DE LA HAUTE-MARNE, RETENUE ET PUBLIÉE EN MARS 1816, PAR UN OFFICIER DE LA GARDE URBAINE A LANGRES » - Chez LAURENT- BOURNOT Imprimeur – Libraire - 1816

Nicolas a-t-il entendu ce genre de discussion dans son cabaret d’Echenay ? Possible ! Son sang ne devait faire qu’un tour ! Enfin, la vie s’écoule. Une quinzaine d’années passe, misérablement…

Ce que des années de services sous les intempéries, des dizaines de milliers de kilomètres à pied et à cheval, des centaines d’Autrichiens, de Russes, d’Allemands n’ont pu réaliser, une microscopique bactérie l’a probablement fait.

Le 4 septembre 1832, à une heure du matin, le choléra qui sévit encore un peu à Echenay l’emporte. Nicolas a 61 ans. Son organisme est usé par tant de campagnes et la maladie a fait le reste.

Marguerite Collas, sa veuve, et Jean Antoine, son fils à nouveau parisien, se partagent respectivement 34,75 frs et 84,70 frs en paiement des arriérés de sommes dues au titre de l’année 1832.

Napoléon et l’Empire ne sont plus qu’un souvenir, Nicolas est maintenant un cadavre comme il en a tant vu… Sa « Bérézina » à lui !

De lui, il ne reste que quelques états de service.

ANTOINE OU CUNY ?... - ECHENAY 1832

Sources :

AD52

AD88

Base Léonore

Mémoire des Hommes - Parcours Individuels

Gallica

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